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Bébé la Reine Or : La rebelle de Fatou SY

  Bébé la Reine de l’or : la rebelle de Fatou Sy Voici ce qu’il faut lire, Reine Or. Une expérience inouïe. C’est une pièce volontairement subversive (dédiée à Koffi Kwahué) dans laquelle le jeu se joue entre la puissante voix féministe (et poétique) de Bébé, Reine Or et la voix du personnage collectif, l’Araignée.   Pourquoi alors L’Araignée ? Parce que l’araignée représenterait la créativité et l’énergie féminine. C’est Bébé, la Reine Or ¾ La rebelle de Fatou Sy ¾ qui est à la tête de cette organisation d’orpailleurs clandestins, comme la reine Pokou guidant son peuple. « Bébé : rassemblez les affaires nous partons ». « Cléo : Vous avez entendu la cheffe ? ». L’Araignée a ici de l’énergie à chaque fois pour surmonter les obstacles. « L’Araignée forme/la bande des abjects de l’or. /Ils portent à chaque/ Étape du processus, /le poids de leurs vies. /Le poids de leurs questions encastrées ».   Solidarité, amour et en même temps des tensions entre les personnages rejetés, accul

C'KATCHA A PLUSIEURS ARTS À SON CORPS

 C’KATCHA A PLUSIEURS ARTS À SON CORPS Samedi 30 septembre à l’Institut Français de Côte d’Ivoire, a eu lieu le spectacle de C’katcha, artiste-slameur aux multiples talents. C’était un projet entraînant. On a pris du plaisir à effectuer le Voyage jusqu’à la gare avec lui. Sur le chemin, on a rencontré nos langues mortes ou moribondes ; nos noms qui sonnent faux, nos riches patrimoines…et nos maques. C’était un spectacle étoffé et le discours sous-jacent pourrait se traduire par ce qui est devenu une formule consacrée : « Le Cahier d’un retour au pays natal ». Aujourd’hui plus que jamais la question qui pend au nez de tout être humain à chaque seconde est le Qui suis-je ? ou Qui sommes-nous ?  C’est sans doute cette question qui a inspiré la création de cette belle pièce. Entre parenthèses : Si on ne sait, visiblement, plus où on va, faudra savoir d’où on vient. Qui sommes-nous ? On est ceci et on ne l’est plus la minute d’après. On est seulement ce qu’on pourrait être.  Pour parler

La littérature de ceux qui vont venir demain : le Goncourt de l'IA

 La littérature de ceux qui vont venir demain : le Goncourt de l'IA      Nombreux sont les amis qui m'ont tagué sur le post du sieur Kaboré, qui propose ses services d'écrivain public posthumain. Avec seulement 50000 francs il peut écrire un livre pour vous en quelques jours. Soit il t'envoie la version numérique ou le livre physique après que tu auras payé, bien évidemment. C'est bien fait pour les gens comme Dix-fois-gbé qui croient que tout le monde ne peut être écrivain-là.       Ça semble être un business juteux au vu des nombreux commentaires de bénéficiaires et de solliciteurs. Une belle occasion pour ceux qui  luttent avec la page blanche; ceux qui rêvent d'être écrivain, qui ont le crâne-yacouba d'idée mais qui n'arrivent pas à écrire la première phrase et tutti quanti.        À ceux qui m'ont tagué, ce n'est pas mon combat hein (rires) et ce n'est pas nouveau. C'est une forme nouvelle ou évoluée du travail d'écrivain publiqu

Ce n'est pas Abou mais la langue qui est l'héroïne

 Ce n’est pas Abou mais la langue qui l’héroïne ici !      "Ce n’est pas le tonnerre mais notre estomac qui gronde" est un conte urbain de Kapegik, poète-slameur, qui passe ainsi brillamment de la scène au livre. Ce conte, d’une quatre-vingt-dizaine de pages, a été publié par La Case des Lucioles, début 2023. Là où on s’attendait à un recueil de poésie (ou de slam, c’est selon) comme premier projet-livre, le désormais écrivain-conteur et poète-slameur surprend, sûrement, avec ce conte urbain.          Pourquoi urbain ? en raison du changement du paradigme traditionnel du conte. On n’est plus au village mais en ville ; on n’est plus dans la forêt dense ou la savane avec les personnages animaux pour dire notre condition d'être difficilement humain, mais on a directement l’homme qui joue son propre drame dans le conte. « Mais pour moi là, c’est conte qui se passe en ville. Y a pas animaux dedans, y a pas « il était une fois », c’est  « il était maintenant » C’est là déjà un

Placide Konan le poète-historien

 LE POÈTE EST UN DRESSEUR DE MÉMOIRE       Mil neuf cent cinquante, poème à long cours d’une quatre-vingt-dizaine de pages publié par La Case des Lucioles. C’est le second poème du poète Placide Konan après J’écris de profil salué par le Prix Horizon en 2019. 1950. Devoir de mémoire. Ça commence avec cette grande énergie, l’émotion sous-jacente, l’intention de tirer la langue du mort au soleil, de recoudre notre mémoire… Le poète revient sur les massacres de Dimbokro de 1950 en donnant à sa poésie le pouvoir de ramener un mort non-mort à la vie afin que celui-ci ‘’règle ses comptes’’ : avoir un nom, une carte du parti, des funérailles dignes…         Histoire et poésie se tiennent la main. Pour le poète, notre culture prend son envol sur une fabrique de l’oubli et de la surdité. C’est alors qu’il se vêt d’une toge d’historien en saisissant l’événement historique dans sa nudité avec toute sa violence et le poétise. Comme l’a fait Vinaver en reprenant les attentats de Manhattan du 11 sep

À propos de l'incipit

 Sur l’incipit…  En littérature, la première impression est la plus forte.  Eugène Delacroix  On va rappeler que « incipit » tire son origine dans la formule latine « incipit liber » : « ici commence le livre ». Il vient précisément du verbe latin incipere : « commencer » et désigne les premiers mots d'une œuvre musicale chantée ou d'un texte littéraire… ; il peut s’étendre jusqu’à un ou plusieurs paragraphes. Ses origines latines font qu’il garde la prononciation « inkipit ». En français, il arrive qu’on le désigne par le terme "phrase-seuil" ou même de "chapeau" pour parler comme les gens de la presse.  L’incipit constitue en réalité un enjeu majeur dans le processus de création.  Il doit donner envie de lire la suite, mettre mal à l’aise, dépayser, questionner, renseigner… Il donne lieu au pacte de lecture. Il sert à programmer la suite du texte, en définissant le genre, le point de vue adopté par le narrateur, les personnages, etc., mais surtout, IL DOIT

Des ailes au loin

       Il faut lire ce texte, c'est excellent! Le plaisir que ça procure... Je finis de lire et je suis content!      Destins de femmes. Voix de femmes en plein Moyen-Orient. Roman choral, les femmes (04 femmes) se passent la parole... De génération en génération, du même au pareil, dans une sorte d'atavisme. Les femmes de la même famille ont le même sort, ont le même destin...dans ce contexte de crise perpétuelle. Mais elles n'abandonnent pas...Elles aménagent, chacune son jardin, difficilement...      De la première à la dernière phrase, la langue est belle. Le rythme t'empêche de marquer une pause. Et cette harmonie entre l'incipit et l'excipit... Comment on fait pour commencer et terminer comme cela! Bellement! Incipit : La mer. Mes jambes fusaient. D'un instant à l'autre, je m'envolerais vers le ciel orangé et vide de nuages. __Prends à droite. J'ai sursauté. Comment Ahawa m'avait-elle rattrapée ? J'ai obéi et me suis cachée d

La saison des regrets

 "La Saison des regrets" est en quelque sorte un roman d'apprentissage. Jeunes, école, amitié, relations idylliques, trahisons... et une petite place aux parents. Les jeunes grandissent en se forgeant progressivement leur conception propre de la vie.      L'auteur se met dans une posture d'éducateur des personnages (jeunes), et du lecteur aussi en confiant sa voix à un narrateur extradiégétique ; il cultive alors chez ses personnages un développement personnel.  Naïve au départ, c'est à travers ses propres expériences qu'Anthai, peu à peu, grandit et mûrit. On lit ce roman et on se rappelle très vite  de "Les Frasques d'Ébinto"... Mais le récit va tout droit... Il manque de l'épaisseur ; il manque le romanesque qui tiendrait le lecteur en extase, qui lui donnerait envie de tourner la page sans se lasser. On attend la surprise, le " coup de roman". Hélas, ça ne vient (presque) pas.     Sinon l'auteur est poète, la langue se v

Nous étions des êtres vivants

        Le monde du travail/la fiction d'entreprise. Lecteur de la fiction d'entreprise, NK ne m'a pas convaincu.  "Nous étions des êtres vivants ", une société spécialisée dans l'édition est au bout du gouffre. Elle est rachetée par un " sauveteur " qui promet de tout relancer à nouveau. Pour cela, il faut déplacer le siège de l'entreprise et prendre des mesures draconiennes comme le licenciement de certains employés dont l'existence dépend de ce job.       Rumeurs, trahisons, chacun prie et jour pour lui-même. En plus du titre plaisant, il y a un personnage collectif que l'auteure nomme "Le Choeur" qui rend particulier la narration. Le texte se lit comme un roman choral où chaque employé témoigne de son drame personnel lié à la situation. Puis le chœur qui traduit le drame collectif.      Ça fait penser sur-le-champ à "Aux animaux la guerre" de Nicolas Mathieu. Mais ici le récit est construit à partir de caricatures

Comme une épopée manquée

       Le blocus de Diamba ou le Digba Poteau de Samory Touré, Éditions Lôny, 2023.         L’auteur l’appelle poésie fictionnelle basée sur une légende. En fait, le sujet ici est un pan de l’histoire de la conquête des peuples de Samory. Contrairement à ce qu’on dit de Samory Touré, l’invincible, on lit dans ce livre qu’il aurait été empêché d’entrer à Diamba (Tanda, Côte d'Ivoire).       Dans cette logique, ce texte se livre plutôt comme une épopée, avec Samory comme antihéros et le peuple de Diamba comme le héros collectif. Cela apparaît tellement évident que l’auteur s’est tiré, en quelque sorte, une balle dans la plume en faisant le choix de faire de la poésie, tout court. Mais c’est une épopée(ou ça devrait l'être), un long poème narratif; même si là encore ça fait plus narration ennuyante que poésie. Il faut sauver ce projet en le réécrivant, car ce qu’on appelle ici poésie va si maladroitement qu’il noie le beau projet de base. La pilule passe difficilement.      Et cel

La poésie d'Agnessan demeure une zone de turbulences

 La poésie d’Agnessan demeure une zone de turbulences : Corps sans organes  La poésie d’Agnessan est sans nul doute l’une des plus agréables, ici. Sa poésie se lève en même temps que le soleil. L’élégante simplicité des images donne un éclat si particulier à sa poésie. Chez lui, on a toujours un lexique qui peut paraître haut ; mais qui, brillamment utilisé, donne souplesse à sa poésie qui coule. CSO est un poème d’une grande richesse : philosophique et poétique, souvent marqué profondément par une galanterie narrative, et particulièrement lyrique.  Le poète se dévoile à travers un poème qui fait un baise-main à la prose. Cette poésie est d’un dynamisme entrainant et efficace reliant habilement thèmes, moments et jeux stylistiques. Le décor est bien planté par l’épigraphe ; l’objet et l’esprit sont bien indiqués : Noël X. EBONY, Saint PAUL (1 Corinthiens 13 : 11-12) et Antonin ARTAUD annoncent illico les couleurs de cette poésie éclatée, qui dépouille le corps de tous ses organes et qu

Mémoire d'élephant, un poème-musée

 "Mémoire d’éléphant", un poème-musée       Et Marchal Seri résout l’énigme de la bibliothèque brûlée, en reconstituant celle des vieillards de chez nous, de nos « immorts ». "Mémoire d’éléphant", du couper-décaler, pas du copier-coller assez facile, mais du copier-tisser, comme un nid d’oiseau. "Mémoire d’éléphant", c’est 200 cents titres de poèmes tissés par les doigts magiques de Marchal Seri. Le poète muséifie volontairement mais dextrement son texte afin de soigner nos trous de mémoire. Il y a des textes dont on ignore l’existence, d’autres dont on a entendu parler sans connaitre nettement leur géniteur, d’autres encore qui ont été emportés par leurs auteurs. Pour le poète, si on considère que les morts ne sont pas morts, il faut alors sauver les livres dans la bibliothèque en flamme, comme le pense aussi Nin'wlou.         Il faut tout de suite saluer le travail de fourmi abattu par le poète et la valeur hautement symbolique de ce texte, qui retra

L'AUBE DE MILLE ET UN SOIR DE VEILLE

POINT DE LECTURE DE "L'AUBE DE MILLE ET UN SOIR DE VEILLE"    <<L’aube de mille et un soir de veille>> de Sylm Naj Amani  est une poésie assez discutable. Une écriture plate, dépouillée de toute poésie ; une écriture molle comme un sexe tombé, ivre de sommeil.  Ce livre est gros de vers mort-nés qu’il faut appeler piteusement poésie. Qui a donc dit que faire de la poésie est une mince affaire, que la poésie c’est aligner des mots et revenir étrangement à la ligne comme un faux gaucher, que la poésie c’est faire un jeu de mots sans jeu poétique, que la poésie c’est ramasser des sons ici et là et les obliger à faire des accouplements contre nature et les appeler rime ?          Dans ce livre, rien n’émeut, rien n’étonne, rien ne surprend, rien ne dérange ; au contraire ce qui surprend et dérange ; ce qui étonne, c’est cette facilité à aligner des mots et se plaire à faire rimer des sons qui ne riment. Ah non, ce n’est pas de la poésie ! Il faut lire « SATIRE II

CETTE NUIT-LÀ

POINT DE LECTURE DE "CETTE NUIT-LÀ"              "Cette Nuit-là" de Chérif Abidal, j’espérais mieux…la première de couverture, le choix du papier, le travail de l’infographe…, donnent envie de lire. Mais tout ce qui brille n’est pas de l’or/n’est pas dehors. L’auteur dit qu’il veut parler de toute forme de violence notamment du viol. Il choisit de parler à la première personne, un je-narrateur pour exprimer la douleur liée à tous ces maux. Mais chose étrange ce je-narrateur n’est pas la victime elle-même et en aucun moment on ne lui donne la parole. Encore, ce je-narrateur est de sexe masculin : Junior l’ami du lycée d’Isabella, qui nous parle de l’abus sexuel dont son amie fut victime. Qui d’autre mieux que la victime pour exprimer la douleur du viol ? (On nous a appris à parler à la place de nos victimes) ...            « C’était révoltant de voir une telle maltraitance infligée à cette jeune fille innocente », p30, «…Parfois je me demande où va le monde. Il va fa

LE SOLEIL DES INDÉPENDANCES

 LES SOLEILS DES INDÉPENDANCES, UN CLASSIQUE QU'IL FAUT TOUJOURS RELIRE     On ne peut pas ne pas citer Ahmadou Kourouma  dès qu'on évoque la notion de roman africain. Nombreux critiques prennent sa création romanesque comme le début des  productions romanesques des auteurs dits de la deuxième génération; car son écriture apporte des innovations formelles qui se démarquent des canons esthétiques des romans de la colonisation (première génération). Les Soleils....est devenu le bréviaire de cette nouvelle esthétique romanesque. Parlons-en un peu.     Ce qui fait la particularité de ce roman kroumanien, cest le style iconoclaste adopté par l'auteur. Son écriture sort des poncifs narratifs du roman colonial pour se frayer de nouvelles pistes. L'art n'est-il pas création? Kourouma réinvente donc le roman.      D'abord Les Soleils....n'est pas un récit linéaire où le narrateur développe une seule histoire ; c'est une compilation de deux histoires qui s'imb