Comme une épopée manquée



       Le blocus de Diamba ou le Digba Poteau de Samory Touré, Éditions Lôny, 2023.

        L’auteur l’appelle poésie fictionnelle basée sur une légende. En fait, le sujet ici est un pan de l’histoire de la conquête des peuples de Samory. Contrairement à ce qu’on dit de Samory Touré, l’invincible, on lit dans ce livre qu’il aurait été empêché d’entrer à Diamba (Tanda, Côte d'Ivoire).

      Dans cette logique, ce texte se livre plutôt comme une épopée, avec Samory comme antihéros et le peuple de Diamba comme le héros collectif. Cela apparaît tellement évident que l’auteur s’est tiré, en quelque sorte, une balle dans la plume en faisant le choix de faire de la poésie, tout court. Mais c’est une épopée(ou ça devrait l'être), un long poème narratif; même si là encore ça fait plus narration ennuyante que poésie. Il faut sauver ce projet en le réécrivant, car ce qu’on appelle ici poésie va si maladroitement qu’il noie le beau projet de base. La pilule passe difficilement.

     Et cela commence par le titre. Oh quelle lourdeur !  « Le blocus de Diamba ou le Digba Poteau de Samory Touré » : c’est à la limite deux titres au choix. En réalité cette manière de formuler le titre est devenue une marque déposée chez nous ici. Éditeurs ou écrivains : à qui la faute ? On prend le nom du personnage ou autre élément et on le coordonne avec l’idée générale du texte : « Abonouan ou le prix du pardon ; Tribulations ou étranges destins parallèles ; Alima la quête du bonheur… » Est-ce l’effet « Soundiata ou l’épopée mandingue » ? Puis dans un tel projet prometteur, on glisse ce grotesque ‘’Digba Poteau’’… mais non! 

       Dans cette perspective, dans le texte, on glisse des mots du nouchi et du français populaire ivoirien de manière grotesque ; et on se sent dans l’obligation de tout définir (pas toujours bien défini), tout, en notes de bas de pages : « Siamore avait un goumin Pro max ; un simple Djakouadio ; reha-reha-reharde, eh ; Siamore fraya… »

Il y a des pages où les notes de bas de pages dévorent tout le texte. Il y en a tellement !

       Puis ce récit qui se veut poétique se résume en un ramassis de formules usées qui accrochent difficilement. Ça commence comme ça commence : « Il n’était pas une fois…Ceci n’est pas de la poésie/Ceci est… » 

     Et c’est comme cela ça se narre le Digba Poteau de Siamore, avec des éloges à la parole : « parce que la parole est construictive/Parce que la parole est humanisante... » Poésie ? Non ! Un récit épique qu’on gagnerait à réécrire .   


Erick DIGBE, critique littéraire, correcteur-relecteur, Conseil indépendant auprès des éditeurs. 


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