CETTE NUIT-LÀ

POINT DE LECTURE DE "CETTE NUIT-LÀ"

         

   "Cette Nuit-là" de Chérif Abidal, j’espérais mieux…la première de couverture, le choix du papier, le travail de l’infographe…, donnent envie de lire. Mais tout ce qui brille n’est pas de l’or/n’est pas dehors. L’auteur dit qu’il veut parler de toute forme de violence notamment du viol. Il choisit de parler à la première personne, un je-narrateur pour exprimer la douleur liée à tous ces maux. Mais chose étrange ce je-narrateur n’est pas la victime elle-même et en aucun moment on ne lui donne la parole. Encore, ce je-narrateur est de sexe masculin : Junior l’ami du lycée d’Isabella, qui nous parle de l’abus sexuel dont son amie fut victime. Qui d’autre mieux que la victime pour exprimer la douleur du viol ? (On nous a appris à parler à la place de nos victimes) ... 

          « C’était révoltant de voir une telle maltraitance infligée à cette jeune fille innocente », p30, «…Parfois je me demande où va le monde. Il va falloir mettre fin à l’impunité au pays des merveilles », p32.  Qui parle ? En fait, ce je-narrateur s’apparente à un pantin qui n’existe que de nom. L’auteur n’a qu’un seul objectif qui est de ‘’faire passer ses messages ‘’, il s’oublie et parle à la place de Junior, qui devient un je-raconteur. « Je suis écœuré de savoir que des jeunes filles subissent de telles humiliations et ce inutilement (donc cela pouvait être utilement ?). C’est déraisonnable. Le viol est un acte barbare. C’est un crime contre l’humanité… » p.35, 36… 

   Le faux geste onomastique fut le fait de nommer ce je-raconteur « Junior » et le faire parler comme un vieil homme... L’omniscience de Junior est extraordinaire… On peut même dire qu’il est le personnage principal…Et le récit va dans tous les sens, on parle de tout à la fois. Un texte ça se tisse, normalement. Raconter n’est pas narrer…

         Aussi, ce qu’il faut difficilement considérer comme élément perturbateur, c’est le viol manqué d’Isabella cette nuit-là (il y a tellement de nuit). Le je-raconteur nous dit qu’elle a échappé au viol cette-nuit-là (il se demande même si c’est en raison de sa foi religieuse), puis nous parle de Riam (je ne sais pour quelle raison) qui n’a pas eu la chance d’échapper quand elle fut dans la même situation… « Hommes de tous les continents, je vous appelle. Venez sauver les femmes ! Elles veulent vivre paisiblement », p39. (Sacré Junior ! il nous appelle).                    

            De la page 49 à la page 55, ce n’est ni la victime Isabella qui parle ni le je-raconteur Junior, mais l’auteur lui-même. Grave encore, on se croirait à une conférence et non dans un récit… « Le monde est vraiment à l’envers. Dépêchons-nous de le ramener à l’endroit…Il faut cesser de cajoler, de pouponner ces garçons …Enseignons à nos enfants le sens de la responsabilité et du respect de l’autre…Il faut repenser le monde…Voici le nouveau visage de notre jeunesse » …

       Un discours qui donne envie d’abandonner la lecture. « Il est bon de souligner que sa chemise blanche avait noirci », p29 / « Il faut signaler qu’elle avait même déjà perdu ses vêtements », p32…   On dit la même chose, de la même manière à la même page « Le proviseur, monsieur Coulibaly était le premier responsable de l’école. C’était lui le chef de l’établissement », p17. Le portrait d’Isabella ne progresse pas, on nous répète à toutes les pages qu’elle est belle et intelligente. « En plus d’être belle, Isabella était très intelligente », p13 / « En effet, en plus d’être belle, Isabella était très intelligente », p34. On lit et on lit les mêmes phrases tout relâchées et vides de toute sève poétique: « À côté de cela, les inspecteurs d’orientations étaient visibles. », p18. Pas de description pour créer un quelconque effet de réel, on passe et on passe. Des phrases qui veulent ramper comme des vers… Et le titre qui devient un mythe pour le raconteur : « Ce matin-là… Ce lundi-là…ce jour-là », à la même page 24 ; « ce jour-là », (2 fois p37) et partout dans le texte.

      Et ce n'est pas fini... Le texte est non seulement placé sous la Haute Autorité de LEURS-AMIES-LES-COQUILLES : « reluistntes, p17 », « à la rechercher du savoir », « lui a apportée la lumière » ; « il a décida », p30, « familles nantis », p43 ;« Lola état en compagnie », p54 ; « déçu », p57 ; « vu », p65 ; « contacté », p73 ; « accueilli », p77 ; « poussée », p80 ; « rattrapé », p83 ;   … mais il se démarque par une conjugaison et une grammaire pesteuses. Différents temps verbaux s’enchevêtrent dans la narration et on ne sait plus sur quelle langue se tenir. On passe du passé simple au présent, du conditionnel présent au subjonctif, de l’imparfait au passé simple avec une vitesse vertigineuse. « Il nous demanda gentiment de nous rasseoir et poliment nous nous assîmes. Puis il écrit la date au tableau… », p25… La grammaire qui se fout bien des caprices de notre ouïe exige qu’« après que » soit suivi d’un temps de l’indicatif et non du subjonctif, mais ici…,Oh là là !... ; l’emploi de « certains » et « d’autres » aussi…

     Et c’est seulement à la fin qu’on donne la parole à la victime-muette, mais là encore c’est à travers une lettre. Isabella quitte le foyer conjugal après qu’elle a su que sa belle-sœur fut sa camarade dans sa vie sombre antérieure. C’est d’ailleurs là qu’on prend quelque goût, malheureusement c’est la fin…

Auteur : Chérif Abidal

Titre: Cette nuit-là (Gnk Éditions, 2020) 


DIGBE, Tato Érick


#dixfoigbe

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