LE SOLEIL DES INDÉPENDANCES

 LES SOLEILS DES INDÉPENDANCES, UN CLASSIQUE QU'IL FAUT TOUJOURS RELIRE


    On ne peut pas ne pas citer Ahmadou Kourouma  dès qu'on évoque la notion de roman africain. Nombreux critiques prennent sa création romanesque comme le début des  productions romanesques des auteurs dits de la deuxième génération; car son écriture apporte des innovations formelles qui se démarquent des canons esthétiques des romans de la colonisation (première génération). Les Soleils....est devenu le bréviaire de cette nouvelle esthétique romanesque. Parlons-en un peu.

    Ce qui fait la particularité de ce roman kroumanien, cest le style iconoclaste adopté par l'auteur. Son écriture sort des poncifs narratifs du roman colonial pour se frayer de nouvelles pistes. L'art n'est-il pas création? Kourouma réinvente donc le roman.
     D'abord Les Soleils....n'est pas un récit linéaire où le narrateur développe une seule histoire ; c'est une compilation de deux histoires qui s'imbriquent pour former le récit : un macro-récit (La déchéance de Fama) et un micro-récit (la vie de Salimata). La narration est donc un va et vient entre le récit enchâssant qui englobe un récit enchâssé. Le narrateur réussit cette compilation avec une dextérité inouïe à travers une narration directe des faits; une narration à partir des souvenirs de Salimata ; et en donnant par moment la parole au griot.
    Le récit se présente en trois parties; chacune des parties est composée de chapitres dont les titres sont prémonitoires du contenu et sont métaphoriques ou proverbiaux.......
        En sus, l'innovation formelle dans Les Soleils.....est surtout perceptible au niveau de la langue. La problématique de la langue de l'écrivain se pose avec acuité dans ce roman. Peut-on réclamer une identité en nous exprimant dans la langue de l'Autre? Peut-on parler de liberté, d'affirmation de soi en écrivant toujours dans la langue de l'Autre? La langue française peut-elle traduire exactement l'émotion nègre ?.... C'est, me semble-t-il, à ces questions que répond l'innovation linguistique de Kourouma. L'auteur procède par une déstructuration de la syntaxe française,   une traduction littérale de la langue Malinké, une adaptation de cette langue, une transposition de certains termes du terroir....en un mot, Kourouma réinvente la langue.
     Le titre "Les Soleils des Indépendances" n'est qu'une traduction littérale du Malinké ; on peut lire :<< ...(les Soleils des Indépendances, disent les Malinké)>>. Dès la première phrase déjà, cet aspect se perçoit. <<Il y avait une semaine qu'avait fini dans la capitale Koné Ibrahima, de race Malinké, ou disons-le en Malinké : il n'avait pas soutenu un petit rhume..>>, p.9. Dans ce passage, l'annonce du décès de Koné Ibrahima (avait fini) n'est qu'une traduction littérale du Malinké ; cette formule ne traduit pas l'idée de mort du point de vue de la langue française. Aussi le narrateur précise-t-il : <<ou disons-le en Malinké>>.... Le terme "Gnamokode", partout dans le texte est d'origine Malinké. Le récit abonde également en proverbes d'origine Malinké.....

On pourra encore dire beaucoup de choses sur la forme,la langue de ce roman (les classiques sont inépuisables), Allah n'est pas obligé du même auteur illustre fort cette problématique linguistique....
Retenons que l'innovation formelle a fait de ce texte un panthéon romanesque...


DIGBE, Tato Érick

#dixfoisgbe

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Placide Konan le poète-historien

Comme une épopée manquée

Ce n'est pas Abou mais la langue qui est l'héroïne