Yves Arsène Kouakou se remet à l'écriture

 Comme une nouvelle 


      Comme une confidence de Yves Arsène Kouakou , un recueil de nouvelles. Tout le monde est poète ici et accessoirement nouvelliste, la nouvelle étant considérée comme un genre réservé à ceux à qui il manque du souffle pour écrire un roman. 

     Alors, la première de couverture est plaisante du fait du choix de la couleur qui ne fait pas dans la violence et dans l'exubérance. Mais la quatrième de couv présente un petit passage inexpressif et quasiment invisible à cause du long cv qui sert de biographie de l'auteur - ainsi que le font les éditeurs ivoiriens. 

      Cinq petites nouvelles qui se lisent facilement. La première fait don de son titre au recueil et en même temps chaque nouvelle s'offre comme une confidence; des secrets dans le placard, à dévoiler. L'auteur a le mérite de réussir ses chutes; il réussit les petits dribbles finaux qui jettent du charme sur le recueil. 

    Quand à la langue, elle est à la fois plate et fermée, reposantb considérablement sur des ivoirismes comme si l'auteur écrit en regardant son nombril, comme s'il écrivait pour son quartier. La vitesse narrative est cause de beaucoup d'aspérités. Une vitesse au sens de pressé-pressé. On survole les scènes et on tord le cou au récit pour répondre à un besoin de racontage. 

    Les nouvelles sont sensiblement décousues. Les ellipses au-delà de l'entendement. Le seul souci est, à y voir, raconter une histoire. De la sorte, on fait beau raconteur, peut-être, sans être beau narrateur. Et ce passé (pas) simple qui alourdit le récit avec les concordances de temps pénibles. Et puis les personnages n'habitent les lieux. Ils les traversent comme des feuilles mortes. Surtout qu'on n'a pas pour ambition de décrire mais de livrer l'histoire à l'aide d'un procédé de sujet-verbe-complément + connecteur logique.

     Dans la première nouvelle, c'est par une magie qu'on situe la rencontre des deux amoureux dans un car à Adjame. Juste comme ça. Simple prétexte. La dame va à Yakro pour je ne sais quoi. L'amour naît comme cela. On tombe si facilement amoureux dans ce monde-là. Les scènes qui se veulent érotiques sont si insapides qu'il n'y a pas grand-chose à en tirer. Je crois que la seule phrase à saveur érotique ici est "il m'a pilonnée comme un bastion rebelle "

  En réalité il y a chez lui une sorte d'autocensure remarquable. Écrivain, il est tellement prude qu'il n'ose pas faire dire des choses à ses personnages ; il tombe même amoureux de ses personnages, il cherche à les délivrer de tous les maux possibles même au prix de la vie du récit.  

     Le récit se fait merveilleusement lapidaire. En deux phrases, on expédie l'histoire et paf c'est gagné. Aussi, l'auteur à l'intelligence de ramener le débat autour de la critique (littéraire) dans la fiction. L'auteur fait un clin d'œil à Vitale et partage sa peine vis-à-vis des critiques relatives à son talent, critiques dites négatives qui n'épargnent pas toujours la personne de l'artiste. Mais en réalité, le nouvelliste est toujours hanté par une critique qu'il a qualifiée d'acerbe contre son premier livre. Voilà qu'il en a tiré de la matière pour sa fiction.    

     Puis la dernière nouvelle, intéressante. Comme une réflexion sur l'attente. Elle peut nous rappeler En attendant Godot. Ennui, angoisse. On attend quelqu'un, peut-être quelque chose à l'arrêt de bus. Et peut-être qu'on attend personne, ou rien. Le présent narratif vivace donne l'impression que la scène se joue là et maintenant... L'abbé Yves Kouakou !

Érick DIGBE, critique littéraire. Correcteur-relecteur, Conseil indépendant auprès des éditeurs 

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